100 ans d’accomplissement de son devoir devant Dieu et la Patrie
100 ans durant lesquels les scouts russes ont, malgré leur dispersion, protégé et défendu la russité et l’orthodoxie
100 ans durant lesquels s’est produite la renaissance du mouvement scout en Russie

Tout ceci a commencé au printemps 1920, lorsqu’une partie de l’Armée Blanche et une grande partie de la population civile quittent les limites de la Russie. Le bateau «Andrey Moltchanov» a embarqué au moins deux fois plus de passagers que ce qui lui est autorisé. Les enfants courent partout et font des sottises. Un vieux général exprime sa forte désapprobation face à ces comportements, considérant qu’il faut mettre un terme. Il connaît pour cela un bon moyen : battre les enfants avec des verges. Un jeune journaliste, invalide de la première guerre mondiale, Alexandre Lavrentievitch Kozlovsky, prend la défense des enfants. Plutôt que de les battre, mieux vaut les occuper et c’est ainsi que A. L. Kozlovsky organisa à bord un premier groupe de scouts. Le reste du voyage se déroula sans incidents et tous arrivèrent à bon port à Chypre, à la satisfaction générale.
A. L. Kozlovsky poursuivit avec fougue son travail scout et, débarquant à Paris en été 1920, y organisa un groupe de scouts russes. Le 17 décembre 1920 il annonça la création de la troupe de scouts russes de Paris, les réunions se tenaient dans les locaux du collège russe rue Blanche. Au début de 1921 la troupe comptait plus de 80 membres et comprenait également des meutes de louveteaux et de petites ailes – de 7 à 11 ans- ainsi que des scouts ainés – les routiers à partir de 16 ans. L’été 1921 vit le premier camp en Bretagne, à Port Manech – ce camp sera l’ancêtre de tous les camps russes en France. Cette même année le fondateur du scoutisme russe et de l’Association Nationale des Scouts Russes, Oleg Ivanovitch Pantukhoff confirma le scoutmestre A. L. Kozlovsky dans la fonction de premier chef de la section France de l’Association Nationale des Scouts Russes, puis comme son représentant pour l’Europe lorsque le Grand Chef Scout Russe partit aux Etats-Unis. En été 1922 le premier groupe de scouts fit une randonnée de trois semaines dans les Alpes au pied du Mont Blanc. En 1923 la grande duchesse Maria Pavlovna offrit aux scouts russes un nouvel étendard, qui les accompagna lors du voyage en Belgique au Jamboree de Charleroi, et fut béni par Monseigneur Euloge.
Le camp d’été de 1925 dura un mois et demi et accueillit tous les scouts du plus petit au plus grand, ainsi que les guides. Ainsi dès les années 20, la nécessité de conserver leur russité, le besoin de se plonger dans un environnement russe, d’inculquer aux enfants les traditions orthodoxes, culturelles et historiques en émigration avait amené les scouts russes à organiser des camps d’été, en complément au travail d’hiver.
Dans la section, la jeunesse est organisée en troupes et meutes. Les troupes sont composées de patrouilles, groupes de 6 – 8 jeunes sous le commandement de l’un d’entre eux. La patrouille forme une famille, partage la même vie, participe aux différentes épreuves et compétitions comme un seul homme. Le chef de patrouille – CP – est choisi parmi les enfants les plus responsables, compétents et ayant un esprit d’initiative, il a un adjoint. En plus du commandement de la patrouille et de la responsabilité des activités, le CP mène les prières et détient l’Evangile de la patrouille. Les connaissances en différentes matières telles le catéchisme, les prières, l’histoire et la géographie de la Russie, l’histoire du scoutisme russe, les nœuds, la signalisation, la marche au pas, les premiers secours, la cuisine, l’environnement, l’orientation, la topographie, la pratique du sport sont acquises et améliorées au cours des activités et des passages de classes. Les membres de la patrouille remplissent également des fonctions: secouriste, secrétaire, trésorier-intendant. Agés de quatre ans et plus, les plus jeunes enfants de chefs ou de parents présents au camp forment la troupe des oursons.
Il y a des troupes dans différentes villes de France, à Toulon, Nice, Nilvange, Grenoble, Bordeaux, Ugine. Dès 1934 à Paris, à Meudon, à Joinville fonctionnent des écoles russes du jeudi. La troupe de Paris a ouvert une bibliothèque d’enfants accessible à tous, en 1935 est créée une troupe marine (A. A. Goering). Les camps d’été se passent sur les bords de la Méditerranée à Antibes, au Cros de Cagnes, puis à Fabregas. 1937 voit l’organisation de quatre camps : à Nice, Elaincourt, Charavines, Fabregas et d’un voyage en Hollande au Jamboree international. A côté du camp des scouts russes se dresse le camp des parents et amis des scouts.
Il faut rappeler que l’Association Nationale des Scouts Russes-National Organisation of Russian Scouts/NORS est devenue en 1922 membre du Bureau du Scoutisme Mondial, et qu’elle a continué, du temps de l’Union Soviétique, à faire flotter le drapeau russe blanc-bleu-rouge aux différentes manifestations officielles scoutes. L’aspect international du mouvement scout, les rencontres avec les scouts et éclaireurs de France permettaient d’accentuer et de renforcer l’esprit scout et la conscience d’être russe. Chaque scout russe se trouvait être le représentant du peuple russe, son comportement pouvant induire un jugement, une appréciation de la Russie et des russes. Il était donc demandé à chacun d’être le meilleur dans sa vie scolaire, professionnelle et sociale.
Pour le tableau vivant «la Mère Patrie» les scouts de la section France de la NORS emportent en 1938 le premier prix des Journées de la culture russe – la coupe Pouchkine. La section comporte alors près de 500 membres. L’aumônier de la NORS est alors Monseigneur Nathanaël (scm. Vassili Vladimirovitch Lvov).
La NORS France a payé un lourd tribut lors de la seconde guerre mondiale et de l’occupation allemande. Les réunions scoutes étaient interdites, les activités se poursuivaient clandestinement, il y eut des dénonciations de chefs scouts russes dont certains faisaient partie de la Résistance…
Les activités scoutes redémarrent en 1945, en 1946 le premier camp d’après-guerre se tient à Varangéville, sur la Manche. Ensuite les camps s’installent sur la côte Atlantique jusqu’en 1968 – St Jean des Monts, La Coubre, Le Clapet, Les Mathes, Charosson St Augustin – et durent deux mois. Le matériel fourni par les américains permettait d’organiser de nouveau deux camps: un camp scout pour environ 300 personnes et à côté un camp d’environ 100 personnes pour les VP («visages pâles»), c’est ainsi qu’étaient affectueusement appelés les parents et les amis des scouts. Il avait été proposé à l’association d’acheter le terrain du camp, situé dans une pinède à cinq minutes de la plage. Les moyens financiers existaient, le chtab/conseil d’administration de la section France avait donné son accord. Considérant que la mission des scouts russes n’était pas de prendre racine à l’étranger mais d’accomplir son devoir devant Dieu et sa patrie dans l’espoir de retourner en Russie, le chef de l’association avait refusé.
De 1947 jusqu’à son décès en 1995 le hiéromoine, archimandrite, puis évêque Romain (Zolotoff) fut l’aumônier des scouts russes.
En 1949 la NORS fêtait ses 40 ans d’existence et à cette occasion donnait avec un grand succès trois représentations de la pièce de théâtre «Le malheur vient de l’esprit» de Griboedov, mise en scène par L. Doboujinsky, ainsi que des représentations de la chorale scoute, fondée et dirigée par A. Kaminsky. Après le départ de celui-ci au Canada, la direction de cette chorale, qui chantait tant dans l’église de toile des camps scouts que dans la crypte de la cathédrale de la rue Daru à Paris fut reprise en 1953 par l’ass. scm. Alexis Kirianenko. La Chorale de la Sainte Trinité donnait également des concerts. Ouverte à tous, cette chorale des scouts russes se transforma en chœur de la jeunesse russe et continua a chanter dans de nombreuses églises toutes juridictions confondues et à donner avec succès des concerts. La veuve d’Alik, Ariane Kirianenko, ass. scoutmestre également, reprit en 1978 la direction de cette chorale sous le nom de chorale St Alexis.
Les scouts russes NORS ont édité des journaux: Tcherpatchok, Tchaïnaya lojetchka, le Bulletin du camp, Klitch, Point d’interrogation, Gaïda-my, Boud’ Gotov, Mayak, des calendriers – sous sa forme actuelle, le calendrier est édité depuis 1990, des recueils de chants qui regroupaient des chants scouts, des chants populaires russes et des chants de l’émigration blanche. Dans les années 1960 les scouts ainés animent le groupe Baïkal, musique danses et chants, en 1965-1967 la section France donne des représentations théâtrales du «Mariage» de Gogol et des courtes pièces de Tchékhov, mises en scène par V. Gretch et P. Pavlov, anciens artistes du théâtre de Moscou.
Dans les années 1970 les camps d’été se rapprochent de la Méditerranée et s’installent au Muy. Leur durée varie de un mois à six semaines et ils accueillent en moyenne 60 personnes, la troupe marine renait. En 1980 le camp se tient à Cerbère, sur un terrain mis à disposition par A. L. Kozlovsky, puis dans les années 1980 à Soustons et à Hossegor, sur le terrain du camp Sokol Russe. S’étant alors liés d’amitié avec le représentant des vignerons du Lot et Garonne, les scouts russes NORS décident en 1990 de s’installer sur les terres des vignerons de Thézac-Perricard puis Masquières, où ils resteront jusqu’en 1999.
En 1988 la NORS France fait partie du comité du millénaire du baptême de la Russie et participe aux manifestations organisées à cette occasion à Paris. 1990 voit l’élargissement des contacts avec la Russie et le début de la renaissance du mouvement scout, à laquelle la section France de l’Association Nationale des Scouts Russes prend une part active. Voyages en Russie, cours de formation scoute en France, venue d’enfants et de chefs scouts de Russie dans les camps de la section France, venue de groupes de Scouts de France et scouts de Sibérie. En août 1991 un groupe de routiers de la NORS France a participé à un camp de scouts de Russie près de St Pétersbourg. Ils ont eu le bonheur de voir de leurs yeux le drapeau russe blanc-bleu-rouge remplacer le drapeau soviétique. Ils ont assisté à la première liturgie célébrée dans la cathédrale Notre Dame de Kazan après le putsch. Le camp d’été 1993 regroupa 85 personnes et fut international. En effet pour la première fois la NORS France accueillait au camp un groupe de scouts et de chefs de la NORS Australie, était présent également un groupe scout de chefs et d’enfants de Russie avec leur aumônier, le R. P. Valentin (Tchaplin). En 1998, comme nous l’avions déjà écrit (cf. cal. 1999) le nom de notre association nationale a été remis, à leur demande, aux scouts de Russie lors du congrès des chefs scouts de Russie qui s’est tenu à St Pétersbourg. Nous sommes devenus Association des scouts russes de France.
Il faut reconnaitre qu’un passé aussi riche que celui de la NORS et de la section France a eu son lot de confrontations de personnalités, de discussions, de disputes, de temps troubles, de scissions, à la suite desquelles certains chefs partaient, souvent pour des raisons politiques, emmenant avec eux une partie des troupes, et créaient d’autres associations.
A la tête de la section France se sont succédés de 1920 à 2010 – A. L. Kozlovsky, P. N. Bogdanovitch, I. F. Bostroem, V. M. Sigal, I. V. Novitsky, V. A. Temnomeroff, G. A. Bobrovsky, A. Baratov, E. S. Pitersky, M. D. Odinetz, V. A. Gorbatchevsky, I. I. Bostroem, R. Kozloff, F. Berdiaeff, A. M. Babitsine, A. G. Rutschkowsky, H. Markoff, M. A. Giuliani, N. A. Rutschkowsky.
Aux milliers d’enfants qui ont fait partie de la section France, la NORS a apporté des moments d’amitié, d’inspiration, de joie, de séparations émues. Ce qui a été appris chez les scouts russes a été utile, a aidé nombre d’entre eux à s’orienter dans la vie, ils sont depuis devenus prêtres, médecins, chefs de chorale, menuisiers, chanteurs, maçons, infirmières, scientifiques, enseignants, écrivains, interprètes, peintres, acteurs. Et cette liste n’est pas exhaustive…
Merci à tous les membres actifs et passés de la section France – du scoutmestre à l’ourson, à leurs familles, à leurs amis. Malgré les difficultés de la vie, les disputes, les revers, la solitude, ils sont restés fidèles à la promesse solennelle donnée, ils sont restés fidèles à Dieu et à la patrie, aux lois scoutes, ils continuent, de leur mieux, à vivre honnêtement et à aider leur prochain. Pendant 100 ans ils et elles ont su conserver ce qui était nécessaire en émigration et rendre à la Russie ce qui lui était dû.